InfoBassin.com 4 janvier 2024

Pollution des huitres: Des ostréiculteurs portent plainte contre le SIBA (hors le cadre du CRCAA)…

Actu : Face à des pollutions à répétition, une association d’ostréiculteurs défenseurs de la qualité des eaux du Bassin porte plainte contre le SIBA…

Gujan-Mestras / Bassin d’Arcachon

Des ostréiculteurs à l’attaque de la politique de gestion des eaux du Bassin / Val de l’Eyre

Le monde de l’ostréiculture n’est pas un bloc uniforme… Sur le devant de la scène, le très connu et médiatisé Comité Régional de la Conchyliculture Arcachon Aquitaine (CRCAA), organisme qui représente, auprès des pouvoirs publics, les intérêts, notamment économiques, de la filière conchylicole.

A coté, une autre instance indépendante, plus discrète, l’ADEBA, Association de Défense des Eaux du Bassin d’Arcachon, sensible à la qualité de l’eau, qui fédère aussi des professionnels de la mer (mais elle est également ouverte à tous).

Brèche dans un réservoir de rétention des eaux usées, géré par le Siba, saturé, s’écoulant dans la forêt, les crastes et finissant dans le Nord Bassin. Il sert généralement pour les travaux de maintenance du réseau.

Une association de professionnels acteur de la défense de la qualité de l’eau

L’Adeba peut analyser les études menées par les organismes compétents, participer aux consultations (enquêtes publiques sur projets d’aménagement,…) et aux instances consultatives environnementales, émettre des requêtes, avis et recommandations pour préserver la qualité du milieu.

Cette association participe aux travaux du groupement d’intérêt public du littoral (GIP littoral), à ceux de la commission de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) du Siba (Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon) et aux commissions locales du schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage) du Val de l’Eyre et de Born et Buch.

Enfin, l’Adeba met en œuvre tous les moyens légaux pour lutter contre l’altération de la qualité des Eaux du Bassin, au besoin en se constituant partie civile pour porter plainte contre un pollueur.

Elle peut dénoncer aux autorités compétentes toute infraction environnementale et s’assurer de la mise en œuvre effective des mesures correctives adéquates.

Plainte déposée

C’est ainsi que le 29 décembre 2023, l’Adeba, par la voix de son président, Thiery Lafon (ostréiculteur à Gujan et ancien président du CRCAA), et en son nom propre, a déposé à la Gendarmerie Nationale, une plainte contre le SIBA pour pollution des eaux du Bassin, et envoyé un courrier argumenté au Préfet: « Depuis fin octobre, les réseaux d’eaux usées ont régulièrement débordé, provoquant le déversement d’importantes quantités d’eaux usées dans le Bassin d’Arcachon. La qualité des eaux de ce dernier en a été fortement altérée, générant la contamination des coquillages et obligeant les pouvoirs publics à prendre trois arrêtés d’interdiction de leur consommation, le dernier arrêté, en date du 27 décembre, concernant l’ensemble des huîtres et autres coquillages de tout le Bassin, Banc d’Arguin inclus. » (voir les détails du courrier ici)

« La principale cause des débordements des réseaux d’eaux usées est connue : c’est la submersion des regards par les eaux de pluies qui ne peuvent pas s’écouler et provoquent inondations dans les nombreuses zones de notre territoire où la nappe phréatique est affleurante en hiver.

Le SIBA étant le gestionnaire des deux réseaux d’eaux usées et d’eaux pluviales, il est donc bien le responsable de cette situation qui n’est pas exceptionnelle, car elle se reproduit régulièrement, comme le SIBA le reconnaît d’ailleurs dans ses rapports d’activités.

En outre, le SIBA (et avant lui les communes qui lui ont assez récemment transféré la gestion du pluvial) a également une grande responsabilité dans l’origine de ces inondations qui résultent :

-De la suppression de très nombreux fossés et crastes, remplacés depuis longtemps, au fil de l’urbanisation de nos communes, par des canalisations incapables d’assurer les mêmes fonctions régulatrices ».

-D’une mauvaise mise en œuvre du principe d’infiltration à la parcelle.

De l’impact sur les permis de construire

Alors que la prescription du schéma directeur des eaux pluviales est conditionnée par « Le volume à stocker ou le fond du système d’infiltration (qui) doit être aménagé de sorte à être au-dessus du toit du niveau haut de la nappe », l’ADEBA constate que si les services instructeurs vérifient généralement le calcul du volume de rétention, ils oublient de s’assurer que ce volume est aménagé au-dessus du toit de la nappe, ce qui est impossible dans toutes les zones où la nappe est parfois affleurante.

Le respect de cette condition limiterait donc sérieusement les permis de construire accordés.

Et Thierry Lafon de conclure : « Le SIBA reconnaît certes aujourd’hui le rôle  » irremplaçable » des fossés et crastes, mais le mal est déjà bien fait, et des fossés continuent à être supprimés. » 

Un courrier virulent à destination des élu(e)s du Bassin

Dans un courrier envoyé aux maires du Bassin à la même date, le président de l’ADEBA pointe la responsabilité des élu(e)s: « Il est de votre responsabilité de revoir votre politique en la matière. Parmi les erreurs à corriger, il en est une, grave et lourde de conséquences : celle d’attendre de l’infiltration à la parcelle une efficacité sans faille pour retenir les eaux de pluies sur place, en tous temps et en tous lieux. »

En période de nappe haute, les eaux de pluie ne peuvent évidemment pas être retenues sur les parcelles et rejoignent instantanément le réseau pluvial. Or ce dernier n’est ni conçu, ni dimensionné pour les évacuer, provoquant inondations et saturation du réseau d’eaux usées.

Le président de l’Adeba porter l’estocade: « C’est là un point stratégique dans l’aménagement du territoire que vous devez sérieusement revoir, en le plaçant en tête de vos priorités, vous qui êtes les responsables que nous avons élus pour la bonne gestion et la préservation de notre si beau patrimoine.« 

Le CRCAA ira-t-il vraiment jusqu’à porter plainte, et demander une expertise ?

Olivier Laban, président du CRCAA, a déclaré fin décembre qu’il envisageait de porter plainte. Mais l’ADEBA a préféré agir de son côté sans délai et espère que le CRCAA, qui peut ester en justice, demandera un référé d’expertise. Pourquoi?

Sans entrer dans les détails, l’expertise avec recherche de traces par ARN permet de prouver que la source de contamination est bien d’origine humaine, et non animale ou autre. Elle permet de lever le doute sans ambiguïté sur l’origine de la pollution.

Cette action judiciaire pourrait être prise en charge par le Comité national de conchyliculture comme ce fut le cas ailleurs, et ne rien coûter aux ostréiculteurs du Bassin.

Alors, le Comité régional ira-t-il au fond du problème pour pointer du doigt les responsabilités des élus et modifier la donne sur le moyen et long terme pour la gestion des eaux usées et pluviales?

Ou bien, s’arrêtera-t-il à une action à court terme, avec une demande d’indemnités pour les pertes financières des ostréiculteurs dans l’impossibilité de vendre leurs huitres pendant une période cruciale pour eux?

A suivre…

((Photos Adeba) 

Contact Adeba ici / Contact CRCAA ici

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