La concentration en cuivre dans les huîtres du Bassin d’Arcachon, en augmentation constante depuis les années 1980, inquiète scientifiques et ostréiculteurs. Les suivis mis en place par IFREMER et par le SIBA ont permis d’acquérir une masse de connaissances dont la synthèse est présentée dans un rapport publié en juin 2023 sur les sites de ces organismes.
Ce rapport, attendu depuis plusieurs années, s’articule autour des questions suivantes :
- Quelles sources possibles de cuivre dans l’environnement du Bassin d’Arcachon et ces apports ont-ils évolué au cours du temps ?
- Quelle est la contamination en cuivre des différents compartiments (eau, sédiment, flore et faune) du bassin ? Comment a-t-elle évolué au cours du temps et est-elle élevée par rapport à celle mesurée dans d’autre sites côtiers ?
- Les concentrations en cuivre mesurées dans le Bassin sont-elles susceptibles de présenter une toxicité pour le biote ?
Sont présentés ci-après les points les plus importants (les extraits du rapport sont en italique) et les questions posées par l’ADEBA.
Sources possibles
La principale source, toujours active, est l’utilisation « des peintures antisalissures qui protègent la coque des navires contre le fouling. Cette pression est l’une des seules qui a pu être quantifiée à plusieurs reprises et s’avérait déjà importante il y a deux décennies, mais en l’absence d’enquêtes récentes on ignore comment elle a évolué par la suite. » (p16)
L’augmentation constante de la population du bassin versant génère celle des sources liées à l’urbanisation et au trafic routier. (p17)
Contamination des différents compartiments
La concentration dans les huîtres est en augmentation constante depuis 1980 (et bien marquée pour la période 2010-2022 dans les zones internes du Bassin), et élevée par rapport aux autres sites de Manche-Atlantique. (p20)
La concentration dans les algues était à la fin des années 1980 typique de zones soumises à une contamination élevée mais on semble manquer de données plus récentes et le rapport préconise de futures vérifications. (p39)
La concentration dans les eaux est du même ordre de grandeur que dans les autres zones côtières mais plus élevées aux Jacquets (zone de mouillage) et plus fortes en été. L’eau des ports est particulièrement contaminée et influe sur la concentration des zones attenantes. Le ruissellement urbain entraîne également, lors de fortes pluies, de fortes quantités de cuivre. (p63)
La concentration dans les sédiments est plutôt faible hors zones portuaires et de corps morts. Elle augmente en fonction de la concentration de bateaux, est plus élevée dans les zones de mouillage et encore plus dans les ports. (p68)
Toxicité pour le biote
Les concentrations dans le phytoplancton sont délicates à apprécier et sa sensibilité est extrêmement variable selon les espèces ; on sait toutefois que son métabolisme peut être affecté et limiter son développement. (p71)
Si les concentrations en cuivre seul dans les zostères ne semblent pas dépasser les valeurs nuisibles à leur croissance, on sait que leur sensibilité augmente en présence d’autres contaminants (pesticides, …) ou de conditions stressantes (forte température, faible éclairement). (p76)
Pour les huîtres, les concentrations mesurées dans les eaux sont susceptibles d’altérer leur reproduction, avec toutefois une sensibilité décroissante lorsque la salinité augmente. Néanmoins, comme dans le cas des zostères, il a été montré que l’effet d’un mélange de contaminants est plus important que celui des contaminants pris séparément. De plus, il a également été montré que la présence de cuivre peut affecter l’index de condition des huîtres en raison de son impact sur la composition en acides gras du phytoplancton dont elles se nourrissent. (p80)
En conclusion, le rapport :
- met en avant l’origine anthropique du cuivre, avec comme source principale les peintures antisalissures et en second le trafic routier
- signale le manque de données récentes sur l’évolution de ces apports
- explique que l’impact du cuivre sur les huîtres est bien réel mais très complexe car
- il peut se manifester sur les différentes fonctions (alimentation, métabolisme et détoxification, reproduction),
- il dépend des conditions environnementales comme la salinité et la turbidité, elle-même liée à l’évolution du milieu (régression des zostères)
- il est plus fort en cas de mélange avec d’autres contaminants (ce qui est bien le cas dans la réalité)
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Ce rapport, dont la qualité est indéniable, tant par la masse de données collectées et traitées (études locales et recherches bibliographiques) que par l’effort d’analyse et de synthèse, confirme le bien fondé des craintes sur l’impact négatif du cuivre sur les huîtres du Bassin et la responsabilité première du nautisme. De nombreux points restent néanmoins en suspens, et l’ADEBA a écrit aux auteurs en demandant que ce rapport soit complété et régulièrement mis à jour avec :
- des données actualisées sur l’utilisation des peintures antisalissures,
- un suivi rapproché régulier des points du plan d’eau présentant les plus fortes concentrations,
- des études complémentaires sur l’effet de mélange, et l’adaptation des programmes de suivi déjà en place pour tenir compte de cet effet,
- une meilleure connaissance des apports du réseau pluvial (lessivage des voiries),
- une étude approfondie de la contamination de la nappe superficielle (le rapport indique qu’elle est extrêmement variable sans qu’il soit actuellement possible d’en comprendre la cause), en vérifiant l’éventuel relargage des contaminants contenus dans les sédiments de dragage réutilisés sur le bassin versant.
Par ailleurs, les atteintes répétées à l’environnement causées depuis des décennies par les différentes peintures antisalissures ne pouvant être stoppées que par une transition vers des solutions ne générant pas de relargage de contaminants dans le milieu, l’ADEBA demande également :
- que soit réalisé un état des lieux des différentes solutions alternatives développées ou testées dans le monde,
- que soient menées, en impliquant les gestionnaires des ports, des expérimentations volontaristes sur celles pouvant être mises en œuvre dans le Bassin,
- que soient définies les conditions de la mise en œuvre généralisée de celles s’avérant les mieux adaptées au Bassin,
- que soit fixé le cadre organisationnel et réglementaire de cette transition.