Il y 60 ans, suite à une grave crise de pollution du Bassin d’Arcachon, étaient mis en place les fondements de l’assainissement du Bassin, avec la création d’un syndicat intercommunal dédié à cette mission (le SIACRIBA, ancêtre du SIBA), le principe d’un collecteur de ceinture garantissant la collecte de toutes les eaux usées, domestiques et industrielles, et un objectif clair : zéro rejet dans le Bassin d’Arcachon.
Les efforts importants consentis par toutes les parties prenantes au cours des dernières décennies pour l’atteinte de cet objectif ont permis d’obtenir de très bons résultats. Globalement, la qualité bactériologique et sanitaire des eaux du Bassin s’est considérablement améliorée et l’on ne peut que s’en réjouir, même si par ailleurs d’autres sujets de préoccupation sont apparus depuis (pesticides, antifoulings, HAP, …., et toutes les pollutions diffuses non collectées par le réseau d’eaux usées).
Ces bons résultats sont toutefois mis à mal par des débordements du réseau d’eaux usées. Or le SIBA vient de demander de légaliser ces débordements récurrents dans de nouveaux arrêtés préfectoraux, et ce par un simple « porter à connaissance » , ref SRC-2410-PAC-VF, consultable sur ce lien :
https://drive.google.com/file/d/1nk8GyaawESR4a3VFZjb27Ftbo6B2ofhn/view?usp=sharing
Ce document contient malheureusement de très nombreuses lacunes, omissions et contradictions, noyées dans des explications rassurantes mais sorties de leur contexte, rendant très difficile une claire compréhension de la situation. Son objet est toutefois suffisamment clair pour apprécier le caractère totalement irrecevable de la demande du SIBA.
L’ADEBA, qui a minutieusement étudié ce document (remarques consultables sur ce lien : https://drive.google.com/file/d/1SaKkh1acv9_i83ThqMnGYjafHdl0Sw-U/view?usp=sharing), s’insurge contre de telles pratiques et a aussitôt écrit au Préfet et transmis aux médias un communiqué de presse (https://drive.google.com/file/d/15r4eq8KqhmZZleosgx4wVWqOpjVAWb-t/view?usp=sharing ).
Les principaux points soulignés par l’ADEBA sont présentés ci-après.
Tout d’abord, le document, qui omet de donner un ordre de grandeur des volumes débordés (en fait plusieurs centaines de milliers de m3), est totalement muet sur les conséquences dramatiques de ces débordements sur le plan sanitaire. Le document laisse entendre que le sol sableux agit comme un filtre pour les bactéries, alors que c’est évidemment impossible pendant les intempéries avec une nappe affleurante ; il oublie de citer les norovirus et il ne dit pas un mot des conséquences sanitaires pour les eaux du Bassin d’Arcachon et par extension pour les consommateurs de produits issus de ces eaux. Ces conséquences sont pourtant bien réelles et très graves puisqu’elles ont obligé la Préfecture à prendre ces dernières années plusieurs arrêtés de déclassement de zone et d’interdiction de commercialisation des coquillages.
Ensuite, sur le plan technique, le document finit par citer, après des développements digressifs, la principale cause de la saturation du réseau d’eaux usées et de ses débordements, à savoir la « multiplicité des zones inondées ». Toutefois, aucune analyse, et a fortiori aucune analyse sérieuse, n’est faite sur les causes de cette multiplicité des zones inondées, ni sur les plans d’action nécessaires pour traiter efficacement le problème. Le SIBA évoque bien les programmes de travaux, déjà initiés avant la crise de l’hiver dernier et dont le renforcement a été annoncé depuis, relatifs à l’amélioration de l’hydraulique des bassins versants en amont des zones urbanisées. Cette amélioration, qui va certes dans le bon sens, masque toutefois de graves lacunes qu’elle ne saurait combler :
- Les entraves causées à la bonne continuité hydrauliques dans les zones urbaines. Ces entraves, artificialisations des cours d’eau, réductions de section, obstacles ou constructions dans le lit mineur, suppressions du lit majeur, créées au fil des ans par l’urbanisation ou la négligence, avec pour conséquences élévations du niveau de l’eau, saturations de nappe et inondations, sont non seulement néfastes mais aussi contraires à la loi. Si les défauts de certains tronçons sont parfois corrigés par les collectivités, la situation est globalement très mauvaise et les solutions amont ne règlent pas le problème (exemple du ruisseau du bourg à Gujan où malgré l’onéreux bassin de Canteranne en amont, la situation reste tendue tant que subsistera le rétrécissement provoqué par les riverains en aval). Il est donc nécessaire et prioritaire qu’un ambitieux plan d’action soit élaboré et mis en œuvre pour restaurer complètement les continuités hydrauliques. Et dans le cas où il apparaîtrait que de tels rétrécissements résulteraient d’accords donnés par des collectivités, c’est à l’Etat qu’il appartient d’agir, conformément à l’article L.215-10 du Code de l’Environnement qui dispose que « Les autorisations ou permissions accordées pour l’établissement d’ouvrages sur les cours d’eaux non domaniaux peuvent être révoquées ou modifiées sans indemnité de la part de l’Etat exerçant ses pouvoirs de police dans les cas suivants : …. Pour prévenir ou faire cesser les inondations ».
- Le refus généralisé de prendre en compte les réelles (in)capacités d’infiltration du sol. Alors que le règlement pluvial du SIBA prescrit explicitement que les dispositifs d’infiltration doivent être placés au-dessus du niveau haut du toit de la nappe, cette règle n’est pas mise en application dans toutes les zones, nombreuses et étendues, où la nappe est affleurante en hiver ; son application compliquerait sûrement l’obtention des permis de construire, mais elle éviterait au moins d’aggraver les problèmes d’inondation. De même, les enquêtes hydrogéologiques devant déterminer le niveau des plus hautes eaux en période hivernale, jointes aux demandes des promoteurs, sont souvent bâclées et honteusement erronées, comme celle fournie pour le PC 03322924K0024, récemment accordé à Lanton, qui annonce un niveau haut de la nappe à 50 cm de profondeur alors que le terrain est sous les eaux chaque hiver. Dans ces conditions il ne faut pas s’étonner que les zones inondées continuent à se multiplier.
Ces deux lacunes majeures dans la gestion du territoire ne résultent en fait que du non respect de la loi par les collectivités territoriales. Si le SIBA veut s’urbaniser au mépris de la loi (son président a d’ailleurs publiquement signifié, le 5 mars dernier, son opposition à la loi Climat et Résilience), c’est à l’Etat d’user de son autorité et de son pouvoir de police pour de la faire appliquer rigoureusement au nom de la République.
Notons également, toujours sur le plan technique, que la création de surverses sur les bassins de sécurité ne changera rien à la situation actuelle vis-à-vis des débordements. Les débordements du réseau dans les sous-bassins les plus impactés par les inondations continueront à se produire un peu partout et l’existence de surverses « officielles » ne pourra au contraire qu’inciter l’exploitant à les utiliser.
Enfin, un point crucial est la définition de situation inhabituelle. L’arrêté ministériel du 21 juillet 2015 dispose que l’interdiction de rejets dans le milieu naturel cesse en cas de « situations inhabituelles », sans préciser le niveau requis sur les différents critères cités pour que ce cas s’applique, ce niveau devant être apprécié au cas par cas en fonction de la situation locale.
Le SIBA propose le critère « plus de 70 mm de pluie sur 7 jours consécutifs ». Il convient d’abord de rappeler que ce critère a été défini par les techniciens en 2016 après analyse des épisodes pluvieux de début 2014 et début 2016 et qu’il correspondait au seuil où le pluvial débordait, créant des inondations qui provoquaient la saturation du réseau d’assainissement et rendaient inévitable son débordement. A cette époque, le SIBA avait la charge de l’assainissement mais pas du pluvial, compétence qu’il a prise depuis. Malheureusement, le critère 70 mm / 7 jours est toujours d’actualité pour caractériser une situation d’inondation, en l’absence de plan d’action ciblé et efficace pour en traiter les causes (comme exposé plus haut).
Ce critère n’est donc pas défini comme un critère de situation réellement inhabituelle, au sens de probabilité d’occurrence, d’autant moins que l’analyse de la pluviométrie des années passées montre que cette situation se produit régulièrement plusieurs fois par an (une quarantaine de fois au cours des dix dernières années !), et il est probable que les effets du changement climatique l’empirent. Il est certes compréhensible que puisse être défini un critère de situation « réellement » inhabituelle, mais la probabilité d’occurrence doit rester suffisamment faible pour que le risque de sa survenance soit acceptable par l’environnement et par la société, en tenant compte de la sensibilité du milieu et de l’objectif majeur, clairement affiché et partagé par toutes les instances, de bonne qualité des eaux du Bassin d’Arcachon. Prendre le risque que des problèmes sanitaires surviennent chaque année est absolument inacceptable et serait suicidaire pour l’ostréiculture et pour l’image du Bassin (c’est pour cela qu’il est surprenant que le SIBA, qui a aussi la compétence tourisme, propose un tel critère, mais l’incompatibilité de ses multiples compétences peut expliquer ce paradoxe).
Il semblerait raisonnable de retenir un critère plus en ligne avec la sensibilité du milieu, par exemple avec une fréquence trentennale ; c’est justement la fréquence théorique qui est officiellement retenue par le même SIBA pour dimensionner son réseau pluvial.