Suite aux débordements d’eaux usées dont le Bassin a été le réceptacle depuis mi octobre, l’ADEBA a écrit au Préfet de la Gironde le 29 décembre 2023, avec copie au Président du SIBA et à la Présidente du SYBARVAL, la lettre suivante :
Au cours des deux derniers mois, le Bassin d’Arcachon a été le réceptacle d’importants débordements du réseau public d’eaux usées. Ces débordements ont entraîné une contamination bactériologique des eaux du Bassin et de ses coquillages, vous conduisant à prendre des arrêtés d’interdiction de consommation, le 11 novembre pour les huîtres de la zone de production 33.06 Arès, le 21 novembre pour les palourdes et les coques du Bassin, et le 27 décembre pour l’ensemble des coquillages du Bassin.
L’origine de ces débordements est bien connue : elle résulte de la saturation du réseau d’eaux usées par l’introduction massive des eaux pluviales dans les zones où ces dernières s’accumulent à la surface du sol lors d’épisodes pluviaux prolongés, le réseau de drainage et de collecte des eaux pluviales ne permettant pas leur évacuation.
Cette situation, qui devrait rester exceptionnelle, se reproduit malheureusement de plus en plus souvent. Ces débordements ont été constatés plusieurs fois par an au cours de la plupart des dernières années, ce qui n’est pas acceptable, tant pour les troubles causés aux riverains que pour la pollution du milieu et ses conséquences sur la salubrité des coquillages.
Il est de la responsabilité de l’Etat de prendre les mesures qui s’imposent pour garantir la salubrité publique et le bon état des masses d’eau.
Parmi les dispositions qu’il vous appartient de prendre et de mettre en œuvre, il en est deux qui nous semblent particulièrement importantes :
- la bonne application des règles d’aménagement du territoire
Le schéma directeur de gestion des eaux pluviales du SIBA édicte un ensemble de prescriptions censées protéger le territoire pour des évènements d’une fréquence de retour de 30 ans, avec un principe de base : l’infiltration à la parcelle, dont l’effet attendu est le stockage immédiat des eaux de pluie sur chaque parcelle puis leur restitution progressive à la nappe phréatique. Bien que la prescription précise explicitement que « le volume à stocker ou le fond du système d’infiltration doit être aménagé de sorte à être au-dessus du toit du niveau haut de la nappe », on constate que le principe d’infiltration à la parcelle est retenu sans discernement sur l’ensemble du territoire, y compris dans les zones d’aménagement, très nombreuses et étendues, où la nappe est affleurante une grande partie de l’année, rendant impossible la réalisation d’un système d’infiltration au-dessus du toit de la nappe, c’est-à-dire au-dessus du niveau du terrain naturel, et complètement inefficaces les dispositifs d’infiltration installés dans le zone noyée de la nappe. La méconnaissance de cette règle de bon sens conduit tout naturellement aux problèmes de saturation que nous connaissons régulièrement et qui impactent le territoire quasiment chaque année ; ces problèmes sont en outre aggravés par la suppression de crastes et fossés, qui outre l’évacuation, assurent également drainage, stockage, épuration et évapotranspiration, et qui remplacés par des canalisations incapables d’assurer les mêmes fonctions régulatrices.
Il importe donc que ces zones soient clairement identifiées, qu’elles fassent l’objet de prescriptions d’aménagement adaptées, que ces prescriptions soient effectivement et rigoureusement mises en œuvre et que leur efficacité soit vérifiée.
Il est tout à fait regrettable que le projet de SCoT n’ait pas abordé ce point, pourtant fondamental pour un aménagement du territoire respectueux de la qualité des eaux, et qui semble avoir été oublié par toutes les parties prenantes ; les remarques que nous avons formulées sur le sujet lors de l’enquête publique n’ayant pas été reprises dans le rapport du commissaire enquêteur, nous les renouvelons auprès de votre autorité.
- la définition des « conditions inhabituelles » qui permettent de déroger aux obligations de résultat des systèmes de collecte et de traitement des eaux usées
Les arrêtés préfectoraux portant autorisation des systèmes d’assainissement fixent généralement un niveau de rejet applicable, ainsi qu’une interdiction de rejet direct dans le milieu naturel, « en dehors des situations inhabituelles décrites à l’article 2 de l’arrêté ministériel du 21 juillet 2015 », lequel cite, entre autres situations inhabituelles, les « fortes pluies ». Afin de respecter tant la volonté du législateur que la préservation de la santé publique et de l’environnement, raison d’être de cette réglementation, il appartient aux services de l’état de préciser le niveau de fortes pluies assimilable à une situation inhabituelle pour que le caractère inhabituel soit réellement exceptionnel et ne corresponde pas à des situations trop couramment rencontrées comme c’est le cas actuellement. Cela obligerait les collectivités à repenser leurs schémas d’aménagement et à se doter de systèmes plus résilients face aux intempéries, et ce d’autant plus que les effets du changement climatique les rendent plus fréquentes et intenses.
Nous sommes persuadés qu’une action forte des services de l’état sur les points exposés ci-dessus est indispensable pour clarifier et rappeler le cadre réglementaire, garant d’une gestion responsable du territoire, et veiller attentivement à son respect.
Par ailleurs, tant que les débordements des réseaux d’eaux usées resteront aussi récurrents, leur incidence sur la contamination des coquillages doit être explicitement prise en compte dans le profil de vulnérabilité des eaux conchylicoles.
Dans l’attente des actions qui permettront une amélioration durable de la situation, et restant attentifs à la préservation de la qualité de nos eaux, nous vous prions de croire, Monsieur le Préfet, à l’assurance de nos respectueuses salutations.
Ping : InfoBassin.com 4 janvier 2024 | ADEBA