Projet MOHYS (connaissance de la nappe sub-affleurante) : un rapport décevant

Parmi les préoccupations de l’ADEBA figure en bonne place l’insuffisante prise en compte, par nos collectivités territoriales, des phénomènes d’inondations causées par les remontées de la nappe phréatique et par les réductions de capacité d’évacuation du réseau pluvial, ainsi que sur les débordements du réseau d’eaux usées que cela provoque.

Aussi fondions-nous quelque espoir sur les conclusions attendues du projet MOHYS, lancé par le SIBA en 2018 avec le BRGM et dont l’objectif était (comme indiqué dans le rapport annuel 2020 du SIBA), de « créer un modèle prédictif pour la nappe phréatique sub-affleurante du territoire du Bassin d’Arcachon. Ce projet fortement transversal permettra à terme la production d’un outil opérationnel trouvant des usages en lien avec de nombreuses compétences telles que l’assainissement des eaux usées, des eaux de pluie, l’étude des transferts de micropolluant et la gestion du risque inondation au sens large ». Cette démarche, une des premières lancées par le SIBA suite à sa prise de compétence sur le pluvial, faisait suite à sa prise de conscience du problème des inondations récurrentes (en particulier celles de 2014 et 2016) qui traduisaient un mauvais fonctionnement du réseau pluvial et généraient des débordements du réseau d’eaux usées.

Nous espérions alors que, conformément à l’objectif ainsi décrit et qui nous parait fort louable, les conclusions de cette étude permettraient, entre autres, d’établir une cartographie de la nappe en période la plus problématique, c’est-à-dire en période de hautes eaux, de mieux cerner les zones où son caractère affleurant limite fortement, voire interdit la possibilité d’infiltrer sur la parcelle, et constitueraient ainsi un outil utile pour une conduite mieux avisée de la politique d’aménagement de notre territoire.

Malheureusement, la récente publication sur le site du SIBA (rubrique Bibliothèque environnementale) du rapport final du BRGM sur ce projet (ref BRGM/RP-72294-FR) ne nous semble pas répondre à cet objectif et nous laisse particulièrement perplexes pour les raisons suivantes :

  • Tout d’abord le champ de l’étude, tout intéressant qu’il soit sur le plan académique, englobe un vaste périmètre, tant horizontal (vastes zones amont non urbanisées) que vertical (aquifères de nappes inférieures), qui réduit le domaine le plus sensible (les débordements de la nappe superficielle dans les zones urbanisées) à une portion congrue, et le problème le plus impactant n’est de fait pas correctement traité.
  • Les campagnes de mesure n’ont pas été, de l’aveu même du BRGM, menées dans les règles de l’art et les données acquises n’ont pas pu, de ce fait, être correctement interprétées.
  • Le maillage a été bien affiné dans la zone sud, mais seulement très ponctuellement sur la côte nord-est qui est pourtant elle aussi très impactée par les problèmes d’inondation.
  • Le modèle utilisé est à seule visée hydrogéologique et « de ce fait, il ne peut se substituer totalement à un modèle hydraulique de surface pour représenter la complexité des écoulements à surface libre » ; or ce sont bien des écoulements à surface libre qui doivent être gérés en cas d’inondation, lorsque par exemple les eaux d’un bassin versant sont dirigées vers un autre pour le soulager.
  • Ce modèle n’autorise qu’un seul sens d’écoulement ce qui est trop restrictif pour bien refléter la situation réelle, notamment pour tenir compte des phénomènes de forte marée haute sur la frange littorale.
  • Dans les cas où les sens d’écoulement diffèrent selon la période basses eaux ou hautes eaux, le modèle a retenu le cas basses eaux, alors que c’est le cas hautes eaux qui est le plus critique.
  • Le réseau de drainage, aussi bien naturel qu’anthropique, n’a pas été totalement pris en compte, ce qui peut fausser l’estimation des débits par le modèle et nécessiter des corrections pour un calage plus pertinent du modèle.
  • Le pas de temps mensuel retenu ne peut pas restituer des variations plus rapides, pourtant susceptibles de causer de graves problèmes.
  • Comme c’est malheureusement trop souvent le cas dans la plupart des études, cette étude ne répond pas à l’objectif initial mais conclut sur la nécessité de réaliser de nouvelles études pour mieux caler le modèle et ainsi mieux cerner les zones de débordement en hautes eaux.

Au-delà d’un constat qui s’avère donc très décevant par rapport à l’objectif visé, le point qui nous a le plus surpris dans ce rapport est la référence retenue pour la période de « hautes eaux », à savoir février 2022. En effet cette période correspond à une situation pas du tout représentative à la situation hautes eaux d’une année moyenne, et encore moins d’une année humide. Le graphique présenté dans l’illustration 4, qui nous semble assez représentatif de la situation de la nappe superficielle sur l’ensemble du territoire urbanisé, montre bien que la situation de février 2022 (seconde colonne rouge) s’apparente plus à une situation « basses eaux » et qu’il aurait été plus pertinent de prendre par exemple février 2021 (période où des dysfonctionnements avaient d’ailleurs été constatés).

C’est pourquoi nous craignons fort que le choix d’un point de référence « hautes eaux » aussi éloigné de la réalité ne puisse conduire qu’à des résultats erronés, qui généreront des choix malheureux, et ne contribue finalement qu’à aggraver les problèmes existants au lieu d’aider à les résoudre.

Par ailleurs, il apparaît clairement que ce rapport, tel qu’il est publié, ne fournit aucun résultat sur la définition des zones du territoires sujettes aux remontées de nappe et inondations.

Aussi l’ADEBA a-t-elle écrit au Président du SIBA et au Directeur du BRGM en leur demandant de bien vouloir nous indiquer :

  • comment ce rapport peut être utilisé pour établir une cartographie des zones du territoire sujettes aux remontées de nappe et inondations,
  • si c’est ce rapport qui a pu permettre le calcul du chiffre récemment publié par le SIBA des 6% des surfaces habitées concernées par des débordements de nappe, et quelle est la cartographie de ces zones,
  • comment vous comptez tenir compte des remarques précitées,
  • quand et comment sera publié un résultat exploitable permettant aux acteurs du territoire de mieux connaître la nappe sub-affleurante.

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