Remarques sur l’élaboration et la conformation des documents du SCoT
De nombreuses erreurs ou anomalies sont relevées.
Les données d’entrée sont incomplètes ou erronées :
- De nombreux cours d’eau, bien qu’identifiés au titre de l’article L215-7-1 du code de l’environnement et présentés sur la cartographie des cours d’eau de la Gironde de la DDTM, sont absents des cartes présentées dans le projet de SCoT.
- La pollution des nappes phréatiques est méconnue : dans l’objectif 2 du PAS, le texte cite les compartiments à protéger pour veiller à la qualité de la ressource en eau (cours d’eau, lagunes, fossés, eau salée) mais oublie les nappes ; dans l’objectif 5 du PAS la limitation de l’imperméabilisation est présentée comme moyen d’éviter le ruissellement (vers le Bassin) de tous les résidus d’activités humaine en oubliant que ces résidus vont alors pour la plupart se retrouver dans la nappe, et donc à terme dans le Bassin.
- Les zones humides ont été oubliées dans l’identification des réservoirs de biodiversité (DOO p 9, 3.4 p 6)
- Pour la prévention des risques, le scénario du GIEC retenu par le projet de SCoT est le RCP 2.6 du 5ème rapport (p 186 du DOO). Or chacun sait que ce scénario, qui était le plus optimiste, ne pourra pas être tenu ; le 6ème rapport du GIEC, rendu public début 2023 a constaté une nouvelle dégradation de la situation générale et a revu à la hausse le niveau des risques encourus. Le scénario optimiste retenu dans le projet de SCoT avait d’ailleurs déjà été écarté par le Straddet. Les risques induits par le changement climatique sont donc manifestement très sous-évalués, ce qui ne peut qu’avoir des conséquences désastreuses pour notre territoire, avec entre autres l’élévation du niveau de la mer et l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes.
- Dans la carte des surfaces inondables par submersion marine (3.2 p 163) le secteur de la Canelette à La Teste n’apparait pas alors qu’il est à un niveau bien inférieur aux zones inondables présentées.
Des incohérences, des lacunes, des biais ou des flous dans la présentation de certains points perturbent la lecture et une bonne compréhension du sujet, et le plus souvent cela conduit encore à une sous-estimation des risques :
- Sur le risque de remontées de nappe, le document BRGM cité en référence (DOO p 44) est introuvable et le risque est minimisé par une appréciation réservée de la qualité de la carte de sensibilité présentée (3.2 p 165/166), alors que ce risque est bien connu comme important et avéré sur la majeure partie du territoire.
- La ressource en eau potable est présentée comme déjà surexploitée (3.2 p 113 volume prélevé supérieur à autorisation) et en voie de raréfaction mais cela n’empêche pas le projet de SCoT de prévoir une poursuite de l’augmentation de la population sans fixer de règles claires et précises pour garantir une réduction de la consommation. Ainsi, dans la prescription 32, le projet de SCoT, après avoir signalé dans ses documents préparatoires que les volumes prélevés étaient déjà au maximum et que la ressource allait se réduire, laisse aux communes le soin de « s’assurer de la disponibilité de la ressource en eau potable avec les perspectives démographiques liées au développement urbain attendu dans le rapport de présentation », mais a déjà néanmoins, sans avoir étudié la possible adéquation ressources futures / besoins futurs, fixé un objectif d’augmentation de population substantiel. C’est irresponsable et dangereux ; cette situation impose de viser un objectif de population plus réduit.
- La présentation sommaire des pollutions, notamment des eaux (3.2 p 179) évoque l’augmentation de certains polluants (HAP), mais au-delà de ce simple constat de l’augmentation du niveau de contamination du milieu marin, aucun développement n’est fait dans le projet de SCoT sur les possibles scénarios d’évolution de ce type de risque ni a fortiori sur les prescriptions prévues pour le réduire.
- Incohérence sur la corrélation entre concentration en biocide et pluviométrie entre le graphique et le commentaire (3.2 p 102).
- La numérotation des objectifs diffère entre le PAS et le DOO, ce qui fragilise la cohérence de l’ensemble.
- Evaluation environnementale : La méthodologie mise en œuvre conduit (3.4 p 4) à justifier le scénario retenu en comparaison avec un scénario « au fil de l’eau », c’est-à-dire avec le scénario le plus laxiste possible. Forcément, cette comparaison ne peut que montrer que tout scénario comportant les moindres contraintes, si faibles soient elles, par rapport à une absence de contraintes sera plus vertueux. Un tel procédé fait fi des limites des ressources du territoire et ne démontre aucunement que le scénario retenu ne conduira pas à des problèmes majeurs.
Enfin, les cartes présentées dans l’annexe DOO 2.2 ont une résolution très grossière et ne sont que de simples illustrations ne permettant pas de situer avec précision les limites des différentes zones ; elles sont inexploitables et n’offrent aucune garantie sur la bonne préservation des zones qui devraient l’être.
Au final, l’ensemble produit comporte sur la forme des erreurs, des lacunes, des incohérences et des imprécisions qui le rendent impropre à constituer le document de référence opposable qu’il devrait être.
Remarques sur le contenu des prescriptions
Nous constatons un manque général de volonté pour préserver et restaurer le bon état de l’écosystème du territoire, pourtant déjà très affecté par la pression anthropique.
Prescription 2 : dans la liste des zonages naturels (N) spécifiques des espaces identifiés devant être délimitée dans les P LU il manque les zones humides prioritaires identifiées dans les SAGE. En effet, les zones humides jouent un rôle prépondérant dans le maintien de la qualité de l’eau s’écoulant vers le Bassin d’Arcachon. En cas de pluie elles ralentissent l’arrivée de l’eau vers le Bassin, limitant ainsi l’effet de lessivage des sols, lessivage responsable de l’arrivée massive de polluants dans le Bassin. De plus, grâce au travail de filtration qu’elles opèrent, les zones humides jouent un rôle d’assainissement des eaux de pluie qui percolent dans la nappe phréatique ou se dirigent vers le Bassin.
Prescription 3 /recommandation 10 : il est dommage que la prescription n’inclue pas la recommandation 10 car la création de Z. A.P. est le moyen de 1) préserver les ZA de la pression foncière et 2) de maîtriser le type d’agriculture/élevage présent au profit de pratiques vertueuses pour la qualité de l’eau (pas de porcheries par exemple).
Prescription 4 : cette prescription commence par la phrase : « ces espaces sont préservés de tout mode d’occupation… » Il serait préférable de préciser « espaces agricoles naturels et forestiers ». Il faudrait aussi préciser que la construction dans les zones agricoles ne peut être autorisées qu’aux exploitants dont l’activité agricole représente la principale source de revenus, afin d’éviter que de de « faux » agriculteurs y construisent, comme cela a déjà été trop souvent constaté.
Prescription 5 : l’installation ponctuelle de structures démontables dans les corridors écologiques est difficilement compatible avec la préservation de la biodiversité tant floristique que faunistique (piétinement du sol, le trafic, etc…). De plus, cette prescription ne prévoit pas de durée maximale de mise en place des installations démontables. Ainsi des structures peuvent être montées et laissées des années sans être démontées et totalement perturber la biodiversité. Idem pour les Prescriptions 15, 18, Recommandation 6,.…
Prescription 6 : dans cette prescription il serait intéressant de préciser la notion d’intérêt public.
Prescription 7 : il est à regretter que cette prescription ne soit pas plus volontaire afin que dans les zones de protection réglementaire et inventaires existants et ce en y incluant les zones humides prioritaires, l’urbanisation ne soit pas simplement interdite. De plus, dans cette prescription le taux de compensation n’est pas spécifié.
Prescription 8 : il manque les zones humides prioritaires. Car, comme les cours d’eau, les zones humides prioritaires jouent un rôle important dans la préservation de la biodiversité.
Prescription 9 : le recul non aedificandi (calculé depuis le haut de la berge) ne prend pas du tout en compte le lit majeur des cours d’eau. Or il constitue la zone de stockage de l’eau en cas d’inondations et remplit des fonctions d’épuration de l’eau lors de son relargage progressif vers le Bassin. La préservation du lit majeur des cours d’eau se jetant dans le Bassin d’Arcachon participe à la bonne qualité de l’eau du Bassin. Idem Prescription 54 restauration du lit majeur des cours d’eau.
Recommandation 2 : rajouter les zones humides prioritaires.
Prescription 14 : (trame noire) il est regrettable de limiter aux plans locaux d’urbanisme des communes membres du parc régional des Landes de Gascogne l’intégration à leur rapport de présentation du diagnostic trame noire. Toutes les communes du territoire du Scot méritent d’être concernées, considérant l’économie d’énergie comme bénéfice collatéral de cette mesure.
Recommandation 7 : la transformer en prescription pour préserver le rôle important des lisières par rapport à l’eau.
Prescription 27 : l’infiltration à la parcelle, certes nécessaire comme première règle de base, n’a de sens que lorsque la nappe phréatique est suffisamment basse. En période de nappe très haute, voire affleurante comme c’est souvent le cas lors d’intempéries dans de nombreuses zones du territoire, elle est totalement inefficace. Il n’y a rien de prévu dans le SCoT pour ces situations alors qu’elles sont courantes et très problématiques.
Le SCoT, qui rappelle bien par ailleurs que « la qualité de l’eau est essentielle », ne dit rien sur la pollution apportée par les eaux pluviales et les prescriptions/recommandations à prendre pour la maîtriser.
Prescription 31 : cette prescription concerne en fait la qualité de la ressource en eau potable et devrait se trouver en 2.1 ; il n’y a aucune prescription ou recommandation pour maîtriser et réduire aucune des diverses pollutions générées par toutes les activités humaines.
Prescriptions 40 à 42 : les projets de parcs photovoltaïques sur les surfaces qui ne sont pas déjà artificialisées (surfaces polluées, en reconversion ou à réhabiliter) devraient comporter une étude sur le devenir des eaux météoriques.
Prescription 43, Recommandations 40 et 41 relatives à l’implantation de centrale de méthanisation : il manque des prescriptions sur le devenir des digestats (et leur éventuel épandage au sol) et des rejets divers par rapport à la pollution possible des cours d’eau, nappe phréatique et Bassin d’Arcachon.
Recommandations 42,43,45 relatives à la production d’hydrogène sur le territoire : sachant qu’il faut 9 tonnes d’eau pour produire 1 tonne d’hydrogène, la production d’hydrogène à grande échelle pourrait perturber l’équilibre du cycle de l’eau son impact doit être étudié.
Prescription 51 : Les PLU doivent intégrer « les dispositions des plans et stratégies de prévision des risques en vigueur » : il faut d’abord imposer aux communes l’établissement des plans obligatoires non encore établis (PPRIF par exemple, pour lequel 4 communes seulement sont citées p 45).
4.7 Gérer le recul du trait de côte : Le projet de SCoT n’évoque que le cas des communes de Lège-Cap-Ferret et de La Teste-de-Buch et raisonne uniquement sur le niveau actuel de la mer (cf Volet Littoral, p154 définition du trait de côte comme la laisse de haute mer d’une marée de coefficient 120 dans des conditions météorologiques normales).
Or : – le niveau de la mer va continuer à monter significativement
(voir dernier rapport du GIEC et prévisions BRGM),
– les conditions météorologiques normales ne peuvent servir de base pour définir un niveau de risque, il faut prendre en compte les conditions extrêmes, qui vont également se dégrader dans le futur,
– tout le littoral du territoire est concerné par la submersion marine, et pas seulement celui des communes océaniques.
Le projet de SCoT présente donc de graves lacunes sur toutes les zones ainsi concernées, qui doivent être définies et soumises à des règles strictes (protection, aménagement, repli) à inscrire formellement dans le SCoT. Cette contrainte, fortement impactante mais inévitable, remet en cause de nombreuses dispositions prévues pour l’aménagement du territoire.
7.2 offre d’hébergement touristique : alors que nous connaissons déjà des sur fréquentations estivales, le projet de SCoT affirme que « l’offre en hébergements touristiques est insuffisante » (PAS). On pourrait comprendre la recherche d’un meilleur étalement dans l’année de l’accueil touristique, mais il faut éviter tout ce qui pourrait conduire à une aggravation de la pointe estivale, et au contraire chercher à la réduire. Rien de tout cela n’apparaît dans les prescriptions présentées.
Et si le projet de SCoT reconnaît que « l’augmentation de la fréquentation est source de nuisances de divers ordres (déchets, stationnement sauvage, risques de feux de forêt accrus, développement anarchique de certains usages…) qu’il convient de prendre en compte » (3.2 p 186), nous ne pouvons que déplorer qu’il ne donne pas de prescription pour réduire significativement et efficacement ces nuisances.
Prescriptions 180 et 181 : La limitation des pratiques motorisées récréatives doit être étendue au domaine maritime pour limiter les nuisances provoquées (survitesse, bruit, batillage, pollution, …).
Recommandation 113 : il est surprenant que des activités « nature » ne générant aucune nuisance sur l’environnement et les autres usagers, comme le paddle, soient traitées de la même manière que des activités motorisées générant de nombreuses nuisances, comme le jet ski, et on peut se demander comment les professionnels du territoire qui vont participer à l’encadrement particulier de ces pratiques si différentes pourraient avoir le même référentiel pour la préservation de l’environnement.
Recommandation 116 relative à la réutilisation des sédiments issus du dragage du Bassin et de ses ports ; il serait bon de préciser que leur réutilisation doit être autant que possible évitée sur le bassin versant du Bassin d’Arcachon et qu’a minima l’impact potentiel des polluants contenus dans ces sédiments et leur devenir (contamination de la nappe et du Bassin) doit être sérieusement étudié.
11.2 Soutenir l’économie forestière : Afin de réduire la pollution des eaux, il convient de prendre des dispositions pour réduire et supprimer à terme l’emploi de pesticides en sylviculture.
Tome 2 – DOO Volets Littoral et Maritime : Le document évoque l’exposition aux effets des sports motorisés et la volonté d’encadrer ces pratiques (p 182) mais aucune prescription n’apparaît dans le DOO pour réduire les nuisances générées par ces activités sur le plan d’eau. L’impact du motonautisme sur les émissions de polluants n’est pas évoqué bien qu’il ait été clairement démontré dans de récentes études (cuivre, HAP, …).
Le document rappelle (p 261) que le Bassin « représente aujourd’hui 20% du parc de mouillage à l’échelle nationale » mais ne fait aucune remarque sur l’énormité de ce chiffre (rapporté au 1,45% de linéaire du littoral métropolitain que représente le Bassin) et sur les impacts de cette concentration sur l’environnement, et le projet de SCoT ne fixe aucun objectif pour le ramener à des valeurs plus raisonnables.
Le Bassin a une concentration / densité de bateaux de plaisance excessive et disproportionnée par rapport à la taille du plan d’eau, et la très grande majorité de ces bateaux sont massivement sous-utilisés. Le premier objectif d’enjeu de développement durable devrait être de maîtriser et réduire la taille de cette flotte, en privilégiant les pratiques douces (voile, kayak, …) et en réduisant celles génératrices de nuisances (pollutions, bruit, vagues, …).
D’autre part, le carénage, qui impacte pourtant si négativement la qualité des eaux du Bassin, n’est jamais évoqué dans le projet de SCoT. Il devrait l’être, en prescrivant les bonnes pratiques (interdiction des produits les plus polluants, mise aux normes des installations de carénage, …) et le développement de pratiques vertueuses.
Enfin, les dernières prévisions de montée du niveau de la mer et d’augmentation en fréquence et en intensité des phénomènes météorologiques violents doivent être prises en compte et impactent fortement les dispositions à prendre pour la bande côtière (voir plus haut Gérer le recul du trait de côte).