Le renouvellement des ZMEL de Lège-Cap Ferret nécessite une étude d’impact

Par arrêté du 28 novembre, la préfecture a décidé, à notre grande surprise, de dispenser d’étude d’impact la demande présentée par la commune de Lège Cap-Ferret pour renouveler l’autorisation de ses zones de mouillage.

Compte tenu de la pollution causée par ces milliers de bateaux et leurs peintures antifouling, pollution formellement reconnue par les dernières études scientifiques, une sérieuse évaluation environnementale doit impérativement être réalisée en amont de cette demande.

Aussi l’ADEBA a introduit un recours gracieux contre la décision du préfet en lui envoyant le courrier recommandé suivant :

Monsieur le Préfet,

Par arrêté préfectoral du 28 novembre 2025 portant décision d’examen au cas par cas n° 2025-005768 en application de l’article R. 122-3-1 du Code de l’environnement, vous avez décidé (article 1er) que « En application de la section première du chapitre II du titre II du livre premier du Code de l’environnement, le projet d’actualisation du dispositif d’organisation en mer de zones de mouillages et d’équipements légers sur le domaine public maritime naturel du littoral intra-bassin de la commune de Lège Cap-Ferret (33) n’est pas soumis à la réalisation d’une étude d’impact ». 

Nous, Association de Défense des Eaux du Bassin d’Arcachon, statutairement attachée à veiller aux conséquences de toute activité anthropique dans le Bassin d’Arcachon, sommes très surpris qu’une pareille dispense a pu être ordonnée, considérant, comme nous le démontrons ci-après, que le projet relève bien de l’annexe III de la directive 2014/52/UE et doit en conséquence faire l’objet d’une évaluation environnementale.

Aussi nous introduisons le présent recours gracieux aux fins de retrait de ladite décision.

En effet, les risques de pollution liés aux zones de mouillage sont importants, et ils sont bien listés dans les documents présentés par le pétitionnaire ; on y relève notamment (Annexe 2) :

3.2.1.2.3.a Concentration en métaux : « …les huîtres prélevées aux Jacquets présentent des concentrations plus préoccupantes. Les teneurs en cuivre et en nickel y dépassent régulièrement les médianes nationales…..La tendance à la hausse du cuivre dans les huîtres des zones internes du Bassin, comme aux Jacquets, est particulièrement notable. Elle pourrait être liée à plusieurs sources : peintures antisalissures, pratiques agricoles ou jardinage. Cette situation est préoccupante, car le cuivre peut avoir des effets toxiques sur les organismes marins. La PNEC (concentration sans effet nocif) pour le cuivre est très basse : 0,8 µg/L en eau marine »

3.2.1.2.3.b Contaminants organiques : « Les teneurs médianes 2021-2023 en fluoranthène (a priori représentatif des hydrocarbures aromatiques polycycliques) sont supérieures à la médiane nationale (1,5 à 2,4 fois) ».

4.2 – Incidences sur la qualité des milieux : « La concentration des bateaux au mouillage et leur circulation peuvent contribuer à la dégradation de la qualité de l’eau. Des contaminants tels que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et des éléments métalliques, notamment oxyde de cuivres peuvent être libérés dans le milieu ».

4.4.2.1 Pollutions liées à la plaisance : « Les bateaux à moteur sont une source importante de pollution dans les zones littorales, surtout en période estivale. Lors de leur utilisation, ils rejettent dans l’environnement des gaz d’échappement (CO, CO, benzène, hydrocarbures), ainsi que des résidus d’huiles et de carburants non brûlés. Selon une étude menée par AtmoSud et le CNRS (2025), certains bateaux de plaisance peuvent émettre jusqu’à 37 fois plus de polluants qu’un véhicule automobile récent, notamment dans les 300 premiers mètres du littoral, zone particulièrement sensible. Ces substances, souvent toxiques, peuvent s’accumuler dans les organismes marins et perturber les équilibres écologiques. Le rapport RAMOGE (2023) confirme que ces rejets, combinés aux peintures antisalissures et aux eaux usées, contribuent à la dégradation des habitats marins. Le bruit généré par les moteurs thermiques constitue une autre forme de pollution ».

Toutefois, le projet reste sur des considérations générales, sans chercher à apprécier la situation locale, et propose des mesures de réduction du risque qui restent anecdotiques (40 places sans antifouling sur 2800, soit 1,4%).

Or de récentes études scientifiques réalisées par IFREMER (1) (2) (3) , non prises en compte par les rédacteurs du projet, montrent clairement :

  • que les concentrations en cuivre dissous mesurées dans les eaux du Bassin dépassent parfois 1 µg/L (1) , soit supérieures à la PNEC citée par le projet ;
  • que les concentrations en cuivre dissous et surtout labile dans la colonne d’eau sont plus élevées sur le site des Jaquets (1) ;
  • que la concentration en cuivre dans les sédiments augmente en fonction de la concentration des bateaux dans l’eau environnante, avec des concentrations plus élevées dans les zones de mouillage (1) ;
  • que les peintures antifouling sont bien la principale source anthropique du cuivre retrouvé dans les eaux du Bassin (2) ;
  • que la présence de cuivre peut affecter l’index de condition des huîtres en raison de son impact sur la composition en acides gras du phytoplancton dont elles se nourrissent (1) ;
  • que l’exposition à de plus fortes quantités de cuivre peut également directement entraver la croissance des mollusques en augmentant le coût énergétique généré par le processus de détoxication (1) ;
  • que l’effet nocif du cuivre, tant sur les huîtres que sur les zostères, est grandement amplifié par la présence d’autres contaminants, en particulier les pesticides (1) ;
  • les eaux du Bassin présentent parfois dans le secteur des Jacquets (soit dans la zone des ZMEL) des concentrations en herbicide anormalement importantes et inquiétantes (3) ;
  • que l’effet nocif du cuivre, tant sur les huîtres que sur les zostères, est grandement amplifié par l’augmentation de la turbidité, or une telle augmentation est bien constatée depuis plusieurs années (1) .

Ainsi, la pollution causée par les bateaux stationnant sur les ZMEL est-elle bien réelle, importante, et nocive pour l’environnement et les espèces.

Contrairement à ce qui énoncé dans les documents du projet, le projet est donc INCOMPATIBLE avec :

  • les objectifs de la DFS SA qui visent notamment à améliorer la gestion des eaux pour permettre la pérennisation de l’activité aquacole ;
  • les objectifs de la DCSMM qui visent notamment à limiter les pressions sur la qualité des habitats favoriser une exploitation des stocks d’huîtres au niveau de rendement maximum durable, de réduire ou supprimer les apports en contaminants chimiques dans le milieu marin et les contaminations chimiques des zones de production aquacole ;
  • les objectifs du SDAGE qui visent notamment à réduire les émissions de micropolluants, à préserver et améliorer la qualité des eaux dans les zones conchylicoles et à réduire l’impact de la plaisance et du motonautisme.

Les éléments fournis par le pétitionnaire sont donc incomplets, ils ne tiennent pas compte des connaissances disponibles à ce stade, et les conclusions du pétitionnaire sur la compatibilité du projet avec les documents de planification et d’orientation sont erronées. Le projet cause bien, de manière permanente, une pollution avérée aux eaux affectant leur richesse planctonique et perturbant le métabolisme des espèces qui y vivent, dont certaines d’importance économique, et selon ces critères il relève donc de l’annexe III de la directive 2014/52/UE.

Nous notons aussi que cette annexe prévoit également que les incidences notables probables qu’un projet pourrait avoir sur l’environnement doivent être considérées en tenant compte, entre autres, de la possibilité de réduire l’impact de manière efficace. Cela pourrait être le cas ici avec, par exemple, la mise en place et le déploiement de procédés de nettoyage des coques alternatifs à l’utilisation d’antifoulings, ou encore le développement de ports à sec en remplacement des ZMEL. Il est regrettable qu’aucune de telles mesures alternatives ne soit envisagée, ni même évoquée dans le projet.

Il apparait donc très clairement qu’outre l’obligation de respecter la réglementation applicable, une évaluation environnementale est nécessaire pour limiter la dégradation de la qualité des eaux du Bassin d’Arcachon et ses conséquences sur les espèces qui y vivent et les activités associées. Cette évaluation devra évidemment prendre en compte les connaissances scientifiques les plus récentes et les actualiser ou compléter si nécessaire : ainsi l’étude (1) mentionne que ses données datent d’avant 2020 et doivent être actualisées ; elle montre aussi que la bonne compréhension de la complexité des effets cocktail nécessite des investigations complémentaires.

Dans le cas où ce recours resterait vain, l’ADEBA serait contrainte d’introduire un recours contentieux.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Préfet, à l’assurance de nos respectueuses salutations.

pour l’ADEBA, son président Thierry Lafon

Copies :   M le Maire de Lège-Cap Ferret, M le Directeur de la DIRM, M le Directeur de la DDTM, Mme la Directrice de l’AEAG, M le Directeur du PNMBA, M le Président du CRCAA,    M le Président du CDPMEM

Sources scientifiques citées

1 « Le cuivre dans le Bassin d’Arcachon : synthèse des connaissances », publié conjointement par le SIBA et IFREMER en juin 2023

2 « Copper isotope ratios in oysters from the French Mussel Watch program confirm antifouling paints as a major source of copper in Arcachon Bay »  IFREMER dans Marine Pollution Bulletin, Volume 221, December 2025, 118503

3 « Emergent’Sea, Recherche des substances d’intérêt émergent en milieu marin », publié en 2025 par l’IFREMER, l’EPOC et l’OFB

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