Consultation publique Smurfit-Kappa – augmentation de capacité

Observations de l’ADEBA transmises au commissaire-enquêteur

Consultation publique Smurfit Kappa Cellulose du Pin

Demande dAutorisation Environnementale– mai 2024

La société SMURFIT KAPPA CELLULOSE du PIN (SKCP) exploite à Biganos (33) une usine de production de papier et de pâte à papier. Elle doit procéder à une mise jour du dossier d’autorisation intégrant l’ensemble des évolutions réalisées sur le site depuis la dernière procédure d’autorisation complète. Elle présente également une demande d’augmentation de la capacité de production (faible variation de la capacité de production annuelle avec adaptation du seuil de production journalier afin de tenir compte des variabilités associées aux grammages produits sur les machines à papier pour absorber des pics de production).

L’ADEBA (Association de Défense des Eaux du Bassin d’Arcachon) présente ici ses observations sur le dossier d’enquête publique ; conformément à l’objet de l’ADEBA, ces observations portent essentiellement sur l’impact des activités de SKCP sur la qualité des eaux.

Déversement accidentel

SKCP a connu en 2012 un accident d’exploitation ayant conduit à un important déversement de liqueur noire dans le milieu naturel qui a provoqué, entre autres, la mort de centaines de kg de poissons. Si des améliorations substantielles ont bien été apportées aux installations pour prévenir la survenance d’un nouvel accident, il n’en reste pas moins vrai que, compte tenu de la nature et du volume des produits présents sur site, le risque brut (avant prise en compte des mesures de protection mises en place) d’une pollution accidentelle est « FORT » et non pas « moyen » comme indiqué dans le dossier (point 6.3.1.2 de l’étude d’impact).

L’étude des dangers cible essentiellement le risque incendie/explosion et ne consacre qu’une page (p107) au risque de déversement accidentel de produit chimique, alors que ce risque arrive pourtant en bonne seconde place dans les relevés d’accidents de cette industrie. SKCP se contente de signaler que les mesures prises pour prévenir l’effet de vague limiterait une possible surverse à 46 m3. De son côté l’Analyse Préliminaire des Risques (p154) ne retient pas le risque de perte de liqueur noire au motif qu’en cas d’épandage (perte de confinement, rupture de canalisation, …) le produit serait collecté par le réseau du site et envoyé vers la STEP.

Or rien dans le dossier ne montre qu’une vague de surverse de 46 m3, phénomène très rapide, serait effectivement entièrement collectée avant de rejoindre le milieu naturel. Le pH extrêmement corrosif de la liqueur noire présente un danger fort pour l’environnement. L’auteur du rapport d’étude de vague par modélisation numérique 3D après, avoir montré que la solution anti-surverse retenue est particulièrement efficace pour les autres bacs, proposait l’ajout d’une rehausse de 2 m sur un mur de rétention face au bac RC10 pour réduire significativement cette vague de surverse (annexe III de l’EDD, page 319). Nous demandons que cette réhausse soit mise en place.

Eaux rejetées dans le milieu naturel

Pour les rejets d’eaux usées traitées par sa station d’épuration, SKCP déclare « respecter la MTD19 en tenant compte de la dérogation préfectorale ». Cette formulation est fausse, la vérité est que SKCP ne respecte pas la MTD19 mais a obtenu une dérogation préfectorale (absente du dossier) pour passer outre cette obligation (d’une manière générale, les MTD sont considérées par SKCP comme « appliquées » même si elles ne le sont que partiellement).

Sur le fond, on peut remarquer que les niveaux d’émission retenus sont toujours les niveaux maxi de la fourchette de la MTD, niveaux également retenus par la préfecture pour la fixation des niveaux de rejet autorisés par l’arrêté préfectoral d’exploitation délivré à SKCP. Or, si les NEA-MTD s’imposent à l’ensemble de la profession, quelle que soit la situation des établissements, il appartient à la Préfecture de fixer les niveaux applicables à chaque établissement en fonction de sa situation propre et de son environnement.

Pour SKCP, ses rejets, en sortie de sa station d’épuration, rejoignent ceux du SIBA sortant des stations d’épuration de Biganos, de La Teste puis de Cazaux, pour être rejetés ensemble dans l’océan au wharf de la Salie, qui est bien une masse d’eau. Dans l’étude d’impact l’auteur déclare que les rejets de SKCP ne sont pas « directement rejetés dans une masse d’eau » ; un lecteur non averti pourrait alors penser que ces effluents sont retraités dans la station du SIBA avant de rejoindre le milieu naturel (ce qu’il pourrait également penser en regardant les différents niveaux de rejet présentés ci-dessous), mais qui n’est bien sûr pas le cas.

Or les arrêtés préfectoraux fixent pour les deux effluents des niveaux très différents alors qu’ils sont mélangés avent leur rejet commun. Ainsi, pour les principaux paramètres, les deux entités doivent respecter les niveaux suivants en sortie de leur station d’épuration :

 Applicable à SKCPApplicable au SIBAPour mémoire, eau usée urbaine avant traitement
 Moyenne journalièreMoyenne mensuelle
MES130 mg/l100 mg/l35 mg/lenviron 300 mg/l
DBO5240 mg/l *165 mg/l25 mg/lenviron 250 mg/l
DCO740 mg/l570 mg/l125 mg/lenviron 600 mg/l

* Le document MTP (PJ57, page 29) précise que « La DBO5 des effluents traités devrait être faible (de l’ordre de 25 mg/l d’un échantillon composite sur 24 h) ». Nous n’avons pas trouvé l’origine de cette information qui est un bon objectif malheureusement très éloigné de la réalité.

On voit que le niveau de traitement demandé à SKCP est très laxiste puisqu’il se rapproche des caractéristiques d’une eau usée urbaine brute à son entrée en station d’épuration avant tout traitement, et que l’eau traitée par le SIBA se retrouve ainsi fortement polluée par le rejet de SKCP avant son rejet au wharf.

A priori rien ne semble justifier une telle différence contraire au principe d’égalité qui est censé prévaloir dans notre pays.

Une autre incohérence apparaît dans l’arrêté prefectoral lorsqu’il fixe les niveaux de rejet que SKCP peut faire directement dans le milieu naturel sans passer par sa station d’épuration et le collecteur du SIBA : ces niveaux sont de 50 mg/l pour les MES et la DBO5, et de 125 mg/l pour la DCO, soit beaucoup plus proches des niveaux demandés aux stations d’épuration urbaines comme celles du SIBA, ce qui est plutôt logique.

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Cette incohérence entre l’écart des niveaux de rejets (peu chargés pour les rejets directs dans le « milieu naturel » ou fortement chargés pour les rejets dans l’océan après traitement dans la station d’épuration de SKCP) interpelle : doit-on en déduire que la Préfecture considère que l’océan n’est pas un milieu naturel ?

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