Le réseau d’assainissement des eaux usées du Bassin d’Arcachon est conçu pour éviter tout rejet dans le Bassin. Les stations de pompage disposent de pompes de secours, et des bassins de stockage d’eau usée (avec fond étanche) et d’eau traitée, implantés le long des collecteurs principaux, peuvent stocker les effluents pendant quelques jours si nécessaire, ce qui permet généralement de faire face aux opérations de maintenance et aux incidents techniques sans que cela ne génère aucun rejet dans le Bassin.
Pour plus d’informations, voir sur le site du SIBA la description du réseau dans « Pôle assainissement » et les rapports annuels SIBA et délégataires dans « Vie du SIBA ».
Mais les intempéries provoquent des dysfonctionnements, essentiellement par entrée d’eaux parasites qui viennent augmenter, parfois très significativement, les débits transitant par le réseau des eaux usées et traités par les stations d’épuration. Les débits d’eau pluviale ainsi introduits peuvent être très supérieurs au débit d’eau usée et cette augmentation brutale provoque alors la saturation des installations, générant débordements du réseau et défauts de traitement des stations.
Sur le plan technique
On peut classer les entrées d’eaux parasites en deux grandes catégories :
- Celles résultant de défauts du réseau public (casses ou joints non étanches sur collecteurs enterrés ou sur regards générant des infiltrations d’eau de la nappe phréatique ; erreurs de raccordement entre réseau d’eaux usées et réseau d’eaux pluviales) ou de défauts sur les installations intérieures des usagers (même types de défauts, plus le raccordement de descentes de gouttières).
- Celles résultant d’une submersion des ouvrages d’accès au réseau (tampons des regards de visite du réseau et des boîtes de branchement du réseau public et des réseaux privés), que ce soit une submersion marine (très hautes mers, zones portuaires ou proches du littoral), ou par inondation, le plus souvent par débordement de la nappe phréatique suite à d’intenses précipitations.
En termes de conséquence, les cas de la première catégorie ont un impact significatif sur l’exploitation du service (surcoûts d’exploitation et mobilisation de moyens dédiés à leur traitement), mais ils ne provoquent généralement pas de débordement ou de dégradation de la qualité du rejet. L’exploitant met d’ailleurs en œuvre, comme c’est prévu par la réglementation, des programmes de vérification, de recherche et de correction des défauts, tant sur le réseau public que sur les installations des usagers, et doit rendre compte de la réalisation de ces programmes et de leur efficacité.
Par contre, l’introduction d’eaux parasite par submersion des ouvrages, notamment en cas d’inondation, a d’une part des conséquences beaucoup plus graves, car les débits introduits sont alors beaucoup plus importants et saturent rapidement la capacité des installations, et d’autre part un caractère irrépressible pour l’exploitant du réseau. Outre la submersion des têtes de regards et de boîtes de branchements, il faut aussi citer les cas des usagers qui, à l’intérieur de leur propriété inondée, utilisent leurs installations intérieures d’évacuation des eaux usées, lorsque le réseau n’est pas déjà saturé dans leur quartier, pour évacuer les eaux de pluie ou de nappe, et saturer ainsi le réseau d’eaux usées en aval.
Les solutions pour éviter ces entrées d’eau sont toujours difficiles, coûteuses et longues, voire impossibles, à mettre en œuvre. Elles peuvent être :
- Tout d’abord de ne pas urbaniser les zones inondables !
- Dans les zones qui sont parfois inondées, de surélever les têtes des regards et des boîtes de branchement pour qu’elles soient toujours hors d’eau (les regards doivent rester ventilés pour éviter la formation d’hydrogène sulfuré), mais cela est le souvent impossible, la plupart des réseaux étant situés sous voirie ;
- En l’état actuel de l’urbanisation, prévenir la survenance d’inondations en aménageant pour cela le réseau pluvial. Pour être efficace, cela nécessiterait de réaliser un énorme programme de travaux très importants pour mettre en place et entretenir :
- D’une part des ouvrages de collecte et d’évacuation des eaux de pluie pluviaux mieux dimensionnés, c’est-à-dire capables de recevoir et évacuer des précipitations de fréquence centennale, et donc surdimensionnés par rapport à qui existe aujourd’hui ; mais cela pourrait aussi être l’opportunité de créer des zones vertes (noues et bassins d’étalement de crue) favorables au bon état écologique du territoire.
- D’autre part, pour permettre l’évacuation des eaux dans les zones soumises aux fortes marées hautes ou à leur influence, zones qui sont nombreuses et étendues dans notre territoire, des ouvrages spécifiques pour isoler le réseau pluvial amont de la zone aval soumise à l’influence maritime et pour pomper les eaux douces provenant du bassin versant amont vers le Bassin d’Arcachon lorsque le niveau du Bassin est trop élevé pour permettre un écoulement gravitaire. De tels ouvrages existent déjà sur quelques tributaires (ruisseaux de la Mole et de Meyran à Gujan-Mestras), mais il faudrait les généraliser sur l’ensemble des petits ruisseaux et crastes se déversant du Bassin ou dans ses tributaires.
- D’une part des ouvrages de collecte et d’évacuation des eaux de pluie pluviaux mieux dimensionnés, c’est-à-dire capables de recevoir et évacuer des précipitations de fréquence centennale, et donc surdimensionnés par rapport à qui existe aujourd’hui ; mais cela pourrait aussi être l’opportunité de créer des zones vertes (noues et bassins d’étalement de crue) favorables au bon état écologique du territoire.
- Un point très important et prioritaire est la nécessaire remise en cause du schéma directeur de gestion des eaux pluviales. En effet il est censé être conçu pour protéger le territoire des évènements d’une période de retour de 30 ans mais manifestement c’est très loin d’être le cas. Une des principales causes de cet échec est la mauvaise application des prescriptions relatives à l’infiltration à la parcelle : ce principe, certes très vertueux, ne peut être mis en œuvre qu’à condition que le volume à stocker ou le fond du système d’infiltration soit aménagé de sorte à être au-dessus du toit du niveau haut de la nappe, comme cela est d’ailleurs clairement indiqué dans le schéma directeur. Or cette condition n’est pas du tout remplie sur la majorité du territoire où la nappe est affleurante une partie de l’année. De plus, la suppression des fossés et crastes et leur remplacement par des canalisations, autre erreur lourde de conséquences, ne permet plus le drainage des terres gorgées d’eau. Dès lors les dispositifs d’infiltration censés retenir l’eau de pluie pour la restituer lentement à la nappe sont complètement inopérationnels et il ne faut donc pas s’étonner des inondations ainsi provoquées.
- En l’état actuel de l’urbanisation, prévenir la survenance d’inondations en aménageant pour cela le réseau pluvial. Pour être efficace, cela nécessiterait de réaliser un énorme programme de travaux très importants pour mettre en place et entretenir :
Il est donc fondamental de revoir en conséquence la politique du territoire en la matière, en considérant que le principe d’infiltration à la parcelle ne peut être retenu dans le calcul des débits d’eaux pluviales à évacuer dans toutes les zones où la nappe peut être affleurante.
Les débordements générés par ces entrées massives d’eau de pluie impactent forcément le milieu naturel, même s’il s’agit d’eaux usées fortement diluées par des eaux pluviales. Elles provoquent des contaminations bactériologiques du Bassin, et génèrent entre autres des restrictions de consommation des coquillages (novembre 2023 : huîtres zone Arès et palourdes).
A noter que pendant ces épisodes de fortes intempéries, la qualité des eaux du Bassin est aussi impactée d’une part par les apports directs du réseau pluvial et des rivières, qui sont chargés de substances provenant du lessivage des surfaces imperméabilisées et des sols agricoles, et d’autre part par la remise en suspension des sédiments.
Sur le plan réglementaire
La réglementation prévoit également le cas des situations difficilement gérables par l’exploitant du réseau, les « situations inhabituelles » qui permettent de déroger aux obligations réglementaires de résultat du service d’assainissement.
Les arrêtés préfectoraux portant autorisation du système d’assainissement du Bassin d’Arcachon (28/04/2017 et suivants) fixent un niveau de rejet applicable « En dehors des situations inhabituelles décrites à l’article 2 de l’arrêté ministériel du 21 juillet 2015 ».
L’arrêté ministériel du 21 juillet 2015 « relatif aux systèmes d’assainissement collectif et aux installations d’assainissement non collectif, à l’exception des installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 » donne la définition des « situations inhabituelles »
Art. 2. – Définitions. Aux fins du présent arrêté, on entend par :
23. « Situations inhabituelles » : toute situation se rapportant à l’une des catégories suivantes :
– fortes pluies, telles que mentionnées à l’article R. 2224-11 du code général des collectivités territoriales (qui mentionne « Les eaux entrant dans un système de collecte des eaux usées doivent, sauf dans le cas de situations inhabituelles, notamment de celles dues à de fortes pluies, être soumises à un traitement avant d’être rejetées dans le milieu naturel »);
– opérations programmées de maintenance réalisées dans les conditions prévues à l’article 16, préalablement portées à la connaissance du service en charge du contrôle ;
– circonstances exceptionnelles (telles que catastrophes naturelles, inondations, pannes ou dysfonctionnements non directement liés à un défaut de conception ou d’entretien, rejets accidentels dans le réseau de substances chimiques, actes de malveillance)
Art. 5. – Règles spécifiques applicables au système de collecte. Le système de collecte est conçu, réalisé, réhabilité, exploité et entretenu, sans entraîner de coût excessif, conformément aux règles de l’art et de manière à :
1) Desservir l’ensemble des immeubles raccordables inclus dans le périmètre d’agglomération d’assainissement au sens de l’article R. 2224-6 du code général des collectivités territoriales ou des immeubles à raccorder à l’installation d’assainissement non collectif ;
2) Eviter tout rejet direct ou déversement d’eaux usées en temps sec, hors situations inhabituelles visées aux alinéas 2 et 3 de la définition (23) ;
Les notions de « fortes pluies » et d’ « inondation » manquant de précision et pouvant être sujettes à interprétation, il avait été proposé fin 2016, après une analyse statistique des situations rencontrées lors des différents épisodes pluvieux enregistrés de 2013 à 2016, que soit déclaré au niveau du Bassin d’Arcachon « situation inhabituelle » lorsque les précipitations cumulées sur 7 jours consécutifs dépassent 70 mm. En effet, il apparait que ce cumul correspond souvent à une situation de saturation de la nappe superficielle qui commence alors à déborder et à submerger les ouvrages du réseau ; la notion de cumul de précipitation sur une période est celle qui représente le mieux la signature d’une entrée d’eau par inondation, au contraire d’un épisode intense mais bref qui aura également un impact important sur les débits parasites, mais cet impact-là résulte plutôt, quant à lui, de défauts du réseau tels que de mauvais branchements, défauts plus facilement corrigeables. Cette « définition locale de situation inhabituelle » a été proposée par le SIBA au service chargé de la police de l’eau qui l’a acceptée.
En l’état actuel de l’aménagement de notre territoire et de la réglementation qui s’y applique, les débordements (réseau saturé) et les défauts de traitement (station lessivée par un trop fort débit) sont donc de fait « admis » et susceptibles d’arriver, même si le service d’exploitation fait tous ses efforts pour les empêcher ou les limiter, lorsqu’on se trouve dans ces cas de « situation inhabituelle ».
Ces situations sont déjà intervenues (sur la base des précipitations enregistrées à Gujan-Mestras – site https://www.meteo-gujan.fr/) comme indiqué sur le tableau suivant, où sont aussi reportés le maximum mensuel et le total de précipitations de l’année :
année | nombre d’épisodes de « situation inhabituelle » | nombre total de jours de « situation inhabituelle » | précipitations mm mois maxi | précipitations mm de l’année |
2012 | 1 | 5 | 162 mm | 843 mm |
2013 | 3 | 16 | 159 mm | 1084 mm |
2014 | 2 | 9 | 183 mm | 916 mm |
2015 | 2 | 3 | 125 mm | 707 mm |
2016 | 4 | 21 | 261 mm | 1005 mm |
2017 | 2 | 12 | 182 mm | 974 mm |
2018 | 1 | 3 | 151 mm | 990 mm |
2019 | 4 | 25 | 304 mm | 1142 mm |
2020 | 8 | 52 | 334 mm | 1328 mm |
2021 | 8 | 31 | 201 mm | 1190 mm |
2022 | 1 | 7 | 203 mm | 745 mm |
2023 (au 20/12) | 6 | 37 | 460 mm du 18/10 au 12/11 | 1424 mm au 20/12 |
Il est clair que l’épisode que nous avons connu de mi-octobre à début novembre 2023, soit 24 jours consécutifs de « situation inhabituelle » avec une moyenne de 18 mm/jour durant cette période, surclasse de très loin tout ce qu’on avait pu connaître ces dix dernières années.
Néanmoins, même en faisant abstraction de cet épisode, on peut constater que les cas de « situation inhabituelle » sont trop nombreux et de plus en augmentation, augmentation déjà constatée ces dernières années et qui ira en s’amplifiant avec le changement climatique, pour que l’on puisse continuer à les qualifier d’inhabituels.
Il convient donc de revoir, sur le plan administratif, les critères qualifiant la situation d’inhabituelle, et en conséquence d’étudier et de mettre en œuvre, sur le plan technique, les mesures qui permettront de faire face aux situations « non inhabituelles », c’est-à-dire aux situations que l’on rencontre malheureusement chaque année, sans générer de débordement ou de défaut de traitement des eaux usées.